"Plus de vieux bateaux, plus de vieux rameurs..." disait un entraîneur de club devant son garage, pour expliquer la disparition des anciens membres du club. Or les anciens sont indispensables au bon fonctionnement d'un club. Ils accomplissent toutes les tâches que les jeunes rameurs rechignent à faire. Ils sont les piliers du club. Faire rester les anciens est un objectif trés important qui doit s'inscrire dans le fonctionnement d'un club : commemorations, banquet des anciens, hommage aux assemblées, exposition des trophées... Tous ces évènements font la vie d'un club et permettent à tous, jeunes et vieux de se retrouver et d'être ensemble.

Mythe mélanésien de l'île du Vanuatu
Tout homme est tiraillé entre deux besoins, le besoin de la Pirogue, c'est-à-dire du voyage, de l'arrachement à soi-même, et le besoin de l'Arbre, c'est à dire de l'enracinement, de l'identité. 
Les hommes errent constamment entre ces deux besoins en cédant tantôt à l'un, tantôt à l'autre. Jusqu'au jour où ils comprennent que c'est avec l'Arbre que l'on fabrique la Pirogue.

(Divagations, Le nénuphar blanc, Mallarmé 1897)
J'avais beaucoup ramé, d'un grand geste net assoupi, les yeux au dedans fixés sur l'entier oubli d'aller, comme le rire de l'heure coulait alentour

(John Steinbeck. Dans la mer de Cortez. 1951)
...c'est pourquoi pour un homme, un bateau, plus que tout autre outil qu'il utilise, est une petite figuration d'un archétype. Il existe un bateau "idée" qui est une émotion, il est probable qu'aucun autre outil n'est fait avec autant d'honnêteté qu'un bateau.

Certes, de mauvais bateaux sont construits, mais ils sont rares. On peut objecter qu'un mauvais bateau, ne pouvant survivre à la marée et à la vague, ne vaut pas la peine d'être construit, mais on pourrait en dire autant d'une mauvaise voiture sur une route cahotante.

Apparemment, l'homme qui construit un bateau agit sous l'effet d'une compulsion qui le dépasse. Les membrures sont fortes par définition et par sentiment. Les quilles sont robustes, le bordé bien choisi et bien posé. Un homme construit le meilleur de lui-même dans un bateau - il y construit beaucoup des souvenirs inconscients de ses ancêtres. ...

Comme cette chose doit être profonde ; celui qui donne et celui qui reçoit ; le bateau conçu par la conscience humaine au terme de plusieurs millénaires d'essais et d'erreurs ; le bateau qui n'a pas de contrepartie dans la nature si ce n'est la feuille morte tombée au hasard dans un cours d'eau. L'homme recevant en retour du bateau une déformation de sa psyché qui fait que la vue d'un bateau voguant sur l'eau fait serrer un poing d'émotion dans sa poitrine.

Un cheval, un beau chien, éveillent parfois une émotion rapide mais, parmi les objets inanimés, il n'y a que le bateau qui puisse le faire. Un bateau, au-delà de tous les autres objets inanimés, est personnifié dans l'esprit de l'homme.

Quand nous avons tenu la barre, le bateau nous a parfois semblé irritable, nerveux, déviant de sa route avant que la correction ait pu être effectuée, piquant du nez dans la vague disloquante. Après une tempête, il nous a paru fatigué, léthargique. Puis, quand les flammes colorées, hissées au mât, claquent dans le vent, il est trés heureux, lève le nez en l'air tandis que son arrière rebondit sur les vagues un peu comme les fesses d'une fille pleine de fierté et d'assurance. Certains on dit avoir senti un bateau frémir avant de heurter un récif, ou pleurer quand il était échoué et que les brisants s'engouffraient en lui. Il ne s'agit pas là de mysticisme mais d'identification ;

l'homme en construisant le plus merveilleux, le plus personnel de tous ses outils, a reçu en échange un esprit en forme de bateau, tandis que le bateau recevait une âme en forme d'homme.

(La navigation, poème en quatre chants, GREE B., 1781)
Dans un grand, comme dans un petit vaisseau., les proportions sont les mêmes. Si l'on compare la carcasse du vaisseau à un squelette , les varangues en feront les côtes ; la quille fera l'épine du dos; les mâts., les vergues ou les rames en feront les bras ; & le gouvernail fera le même office que fait la queue dans les poissons

(J.M.G. Le Clezio, 1990, "Sirandanes" chez Seghers)
Mo lespri par derier ?
Bato, koz so guvernay
(Mon esprit est par derrière ?
Le bateau, à cause du gouvernail)

Mon éna en zarb, kanli éna fey, li napa rasinn, kan li éna rasinn, li napa fey ?
Navir
(J'ai un arbre, quand il a des feuilles, il n'a pas de racines, quand il a des racines, il n'a pas de feuilles ?
Le navire)

Simin marsé ?
Larivier
(Le chemin qui marche ?
La rivière)

Mor port vivan ?
Pirog
(Le mort porte le vivant ?
Une pirogue)